La Mobilisation
(30 juillet au 6 août 1914)
Abel CASTEL
Henri ROTH
30 juillet 1914 : Poincaré donne l'ordre aux troupes françaises stationnées aux frontières de l'Alsace-Lorraine de rester à 10 km de la frontière allemande pour éviter les heurts. 
Mobilisation générale russe : le Tsar Nicolas II signe l'Oukase pour le lendemain.
Historique du 35e RI (p.7) : "Gardien de la Frontière du 30 juillet au 6 août [...]"
L'alerte de guerre a sonné pour nous le 30 juillet à 23 h 25.
31 juillet 1914 : l'Allemagne adresse un double ultimatum à la Russie pour qu'elle cesse de mobiliser, et à la France pour qu'elle fasse connaître sa position en cas de conflit germano-russe : en cas de déclaration de neutralité, la France devait remettre deux places fortes (Toul et Verdun), ce qui était inacceptable et donc l'Etat-Major espérait une déclaration de guerre de la part de la France. Conformément aux plans en vigueur depuis des années, l'Allemagne envisageait une victoire rapide contre la France (6 semaines ; plan Schlieffen), objectif prioritaire. Ensuite les troupes allemandes s'occuperaient du front russe.
Assassinat de Jean Jaurès.
JMO du 35e RI (p.6) : "Le 3e Btn quitte la caserne à 3h30 pour aller cantonner à Lacollonge."
Nous quittons Belfort à 3 heures du matin en direction de la frontière 1
soldat de 2e classe Bonhoure (suppléant) 
soldat de 2e classe Jaillet 
soldat de 2e classe Gélas 
soldat de 2e classe Delaitre 
soldat de 2e classe Bousquet 
soldat de 2e classe Boch 
soldat de 2e classe Doucelance 
soldat de 2e classe Charbonnel 
soldat de 2e classe Boffy 
soldat de 2e classe Dupuy 
soldat de 2e classe Douzon 
soldat de 2e classe Darjon 


Nous prenons les avant-postes dans le bois Lamour à proximité de Fontenelle 2a
Je suis détaché en petit poste avec mon escouade. 
Le soir, avec la section, nous avons la garde d'un pont en arrière du bois Lamour 2b. Nous passons notre première nuit dehors dans une tranchée 3 que nous avons creusée de chaque côté du pont. 
 
1 le Caporal Henri Roth effectuait son service national. Quelques mois plus tôt, dans cette escouade qu'il commandait déjà, eut à servir Maurice Chevalier de début 1914 à mai 1914 (merci Yvette !)
2a
Bois l'Amour (Grand Bois). Ce bois est situé au nord du village.
2b il doit s'agir du pont de la route (D28) menant à Chèvremont , à l'ouest du bois, sur La Mèche
 3 déjà...
1er août 1914 : à la demande du Général Joffre, le gouvernent lance à 16 heures l'ordre de mobilisation générale pour le 2 août. L'Allemagne suit une heure plus-tard et envahit le Luxembourg (jugée en 1912 "inféodée à l'Allemagne" par le gouvernement français). 
L'Allemagne déclare la guerre à la Russie, avant même la réponse à l'ultimatum.
J'arrive au quartier Friedrich 1 à Belfort, le 1er août 1914 au matin. L'on m'habille et ensuite j'attends l'heure du départ en me promenant dans la cour du quartier. A ce moment il est environ cinq heures, j'entends cinq coups de canon tirés au sommet du château de Belfort, annonçant la déclaration de guerre 2. Le sergent-major nous rassemble et nous quittons Belfort ; nous nous rendons à Eguenigue 3, petit village à 8 km de la frontière. 
 
1 ce quartier existe de nos jours et abrite toujours le 35e RI 
2 en fait la déclaration de guerre à la France par l'Allemagne date du 3 août. Il est étonnant de constater que dans l'esprit de la troupe, la guerre est déclarée dès le 1er août, date de la mobilisation 
3 le lendemain 2 août, à 17 km de là à Joncherey, le premier Français sera tué : le caporal Jules-André Peugeot. Il appartenait à la même division (44e RI)
 
Nous quittons cet emplacement à 2 heures du matin pour Frais où nous arrivons à 4 heures. 
Après avoir pris un peu de repos, nous repartons à 8 heures ; nous arrivons à Lacollonge où nous couchons en cantonnement d'alerte. 
Nous recevons le premier convoi de réservistes qui vient compléter la Compagnie. Mon escouade est complétée par 6 hommes : 
2e classe Terras 
2e classe Yenet 
2e classe Doriot 
2e classe Diez 
2e classe Gibrat 
2e classe Jacoutet 
2e classe Genet 
En même temps arrive le reste des compagnies actives.
2 août 1914 : la France découvre les affiches de la mobilisation. Pendant que l'Italie annonce qu'elle restera neutre, l'Allemagne et la Turquie signent un traité d'alliance dirigé contre la Russie. A 19 heures les Allemands exigent le libre passage de leur armée en Belgique. 
Violation allemande de la frontière : le Caporal Jules-André Peugeot du 44e RI est tué par des lanciers allemands ; c'est le 1er mort pour la France à Joncherey (10h07), bien que pour éviter toute provocation, les troupes françaises se tiennent toujours à environ 10 km de la frontière.

Là nous couchons dans une grange et le matin au réveil nous sommes répartis dans les compagnies de l'armée active qui étaient arrivées avant nous. Moi j'entre à la 6e compagnie qui était mon ancienne pendant mon service actif. Pendant 5 jours, nous restons dans ce village et là je vois passer le 1er prisonnier.
Nous organisons défensivement le village, tranchées, réseaux, etc... 
A 4 heures l'on amène un prisonnier, c'est le premier de la campagne, c'est un dragon de Colmar pris à Reppe 4 après une courte lutte avec les douaniers. Ce prisonnier est blessé à la figure. 
Il paraît qu'il arrive dans nos lignes un grand nombre de déserteurs allemands. 
 
4 village frontière, à proximité de Lacollonge
3 août 1914 : le gouvernement belge refuse l'ultimatum allemand. La Grande Bretagne déclare garantir les frontières belges. A 13h40 l'Allemagne déclare la guerre à la Belgique et à la France sous le prétexte imaginé du survol par un avion français de Nuremberg (qui aurait même bombardé la ville !).
Cantonnement d'alerte à Lacollonge. 
A Réchésy une patrouille du 44e se rencontre avec deux officiers allemands, un des officiers tue le caporal
5a, les hommes de la patrouille tuent les deux officiers 5b
 
5a sans doute le caporal Jules-André Peugeot, premier tué de la guerre, le 2 août à Joncherey (à 8 km de Réchésy)
5b en réalité le seul officier de la patrouille allemande, le lieutenant Camille Mayer
4 août 1914 : les Allemands envahissent la Belgique, pourtant neutre (Joffre avait envisagé cette invasion par la France, mais dut abandonner cette idée pour mettre en place le plan XVII). Pénétration de trois armées allemandes en France sur le front Alsace-Lorraine. La Grande-Bretagne déclare la guerre à l'Allemagne.
Nous quittons Lacollonge à 10 heures du matin, nous arrivons à Larivière. 
Notre demi-section fournit un petit poste à la dernière maison du village du côté d'Angeot. L'endroit est assez dangereux, l'ennemi sans être vu, par les bois pourrait s'approcher de nous. 
Le jour précédent 10 cavaliers allemands sont passés sur la route où nous sommes. 
Le soir nous nous retranchons au pont de Larivière en avant duquel je fais deux patrouilles pendant la nuit.
5 août 1914 : escarmouches de frontières. Les Français sont pourtant restés à 8 km de la frontière.
A 3 heures du matin nous allons reprendre notre petit poste de la veille. 
Les habitants du pays nous disent que la guerre est déclarée 6
A 10 heures un gamin d'Angeot vient nous dire qu'à gauche de notre petit poste dans les champs 4 dragons allemands entourent un paysan. Je pars avec 5 hommes en patrouille. 
Dans les blés, nous nous trouvons tout à coup à 100 mètres de cette patrouille qui montait la crête d'un côté pendant que nous montions de l'autre. Ces cavaliers font demi-tour en entendant crier "les voilà, les voilà..." par une femme qui se trouvait sur la route derrière nous. Nous tirons dessus, mais trop tard, ils disparaissent dans la vallée. Quand nous arrivons sur la crête, ils sont à 1 000 mètres de nous. Nous les poursuivons mais ils se sauvent en contournant le village d'Angeot. 
Nous sommes relevés le soir par la 11e Compagnie, nous retournons à Lacollonge. 
 
6 le 4 août
6 août 1914 : premier tué du 35e RI (soldat Beaupré), qui comptera 2 943 morts au Champ d'Honneur en 1918.
JMO du 35e RI (p.7) : "Le régiment [...] est attaqué [...] par une quinzaine de cavaliers à pied. Le soldat Beaupré (2e Cie) est tué."
Nous quittons Lacollonge pour Lagrange. 
Ce matin à Reppe à eu lieu un combat entre un petit poste de la 11e compagnie et des cavaliers allemands. 11 dragons ennemis sont tués, 3 hommes du petit poste sont blessés. 
A 4 heures au petit poste où nous étions hier, le petit poste tue 3 cavaliers ennemis. Un homme du petit poste est tué par une balle qui le traverse de part en part. 
A 7 heures une voiture passe transportant un poteau frontière arraché par nos troupes. Un cycliste passe avec une lance, un casque et un mousqueton allemand.